dimanche 30 décembre 2007

No Comment : Salons de Narguilé: prohibition à la française

Article emprunté - sans autorisation aucune - à Julia Pascual (Etudiante CFJ) sur Rue89

C'est le bout de la route pour les bars à chicha français: le 1er janvier, le décret d’interdiction de fumer dans les lieux publics entre en vigueur pour les cafés. Et rien n’a été prévu pour les 800 établissements où l’on consomme la pipe orientale. De fait, ils entreront dans l’illégalité. Une situation qui fait peser le spectre de la faillite et du chômage sur beaucoup de gérants et les 3000 personnes qu’ils emploient en France. Ils ont depuis février 2007 leur UPN (Union des Professionnels du Narguilé). Helou Badri, son président, déplore:
"Au 1er janvier, on devient hors la loi. On s’étouffe petit à petit. 80% de notre chiffre d’affaire provient du narguilé. Et ce sont ces 80% qui génèrent les 20% restants. On ne pourra pas se reconvertir. Ce n’est pas en vendant du thé à la menthe ou des pâtisseries qu’on survivra."

Alors que les attentions sont focalisées sur les bars tabac, les boîtes de nuit et les restaurants, les bars à chicha attendent désespérément un signe du gouvernement en leur faveur:
"Le ministère de la Santé et le ministère des Finances nous baladent de rendez-vous en rendez-vous mais ils ne veulent pas toucher au décret. On se fout de notre gueule. Il faut mettre en place un système d’indemnisation comme pour les buralistes frontaliers ou une véritable dérogation."

L’Etat fait jusque là la sourde oreille. Les 270 adhérents de l’UPN prévoient de forcer le cours des choses:
"Nous sommes décidés à maintenir l’ouverture des salons à narguilés. Il va y avoir tout un bordel médiatique. On contestera en masse les procès verbaux auprès des tribunaux."

Déçus des promesses de Nicolas Sarkozy
Lors d’une convention de l’UMP sur la santé, en juin 2006, Nicolas Sarkozy laissait entendre: "On pourrait imaginer des dérogations pour des établissement très spécifiques (…) ceux qui vendent du tabac." Aujourd’hui, le sentiment qui prévaut à l’UPN, c’est l’amertume:
"On a un million de clients en France, on leur a dit votez UMP. Il faut que Sarkozy sorte de son mutisme, il a pris des engagements pendant la campagne."
"On est des citoyens de seconde zone. C’est de la pure discrimination. La plupart des bars à chicha sont tenus par des arabes. Après le 1er janvier, on pourra toujours fumer dans les beaux quartiers ou dans les bars à cigares sur les Champs… Mais il y aura des descentes et des amendes en banlieue. On se trompe de cible. En France, le fléau c’est l’alcool, la chicha c’est du divertissement, de la convivialité, c’est de la culture arabe."

Dans le 5e arrondissement de Paris, Mohammed Abdeltawab est propriétaire de l’Isis Café depuis 5 ans et demi. "A l’époque, j’ai investi 200 000 euros. Le narguilé, c’est 100% de ma clientèle." A quelques jours du passage en 2008, il prévoit de changer d’activité: "Je ne vais pas forcer la loi. Je n’ai pas la licence pour vendre de l’alcool. Je réfléchis, je vais sûrement ouvrir une sandwicherie ou un fast-food." Mohamed s’estime heureux, compte tenu du quartier où il est installé, il pourra facilement se reconvertir: "A Châtelet, il y a toujours du monde. Mais j’ai des collègues qui vont devoir fermer." Frédéric Marcillac est client de l’Isis Café depuis le début, il voit dans le décret une entreprise liberticide: "Jusqu’où va-t-on aller ? C’est de la prohibition. En Arabie Saoudite, vous buvez caché. Ici, ça va devenir pareil. C’est dramatique."